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Photo du rédacteurLéon LB

"COMO DOS EXTRAÑOS" (Comme deux étrangers)

Dernière mise à jour : 27 févr. 2023

HISTOIRE D'UN AMOUR ANÉANTI





Tango 1940

José María Contursi - Pedro Laurenz


Premier enregistrement


Autres interprétations


Interprétation dansée




Les hispanophones curieux de la genèse de ce tango pourront lire l'intéressante chronique de Nestor Pinsón et Ricardo García Blaya dans TodoTango : "El motivo que inspiró "Como dos extraños", en partie résumée ici.


Créé en 1940 avec la voix de Juan Carlos Casas et l'orchestre de Pedro Laurenz, enregistré en 1961 avec Floreal Ruiz et l'orchestre de José Basso, ce tango tombera dans l'oubli avec le déclin du tango dans les années 1960, dû en partie à l'engouement de la jeunesse pour des musiques d'autres contrées, principalement le rock.

En 1989, c'est Roberto Goyeneche, avec la formation de Nestor Marconi, qui lui redonne vie, suivi par Adriana Varela, donnant lieu à une extraordinaire diffusion et une grande quantité d'interprétations. Ce tango fut emblématique de la renaissance du tango à partir des années 1990 (ce qui justifie ce petit développement historique).

Sur la mélodie que lui donna Pedro Laurenz, José María Contursi, fidèle admirateur de Troilo quand il jouait au cabaret Marabú, s'inspira d'une anecdote singulière : passion amoureuse entre un employé du cabaret et une belle collègue, passion qui s'acheva brutalement un jour par l'irruption du mari de cette dernière, qui l'arracha définitivement à son idylle. Deux ans après, le garçon la retrouva derrière un comptoir de magasin, étonnamment dégradée physiquement et éteinte.


Citons les auteurs de la chronique à propos de l'approche poétique de José María Contursi à partir de cette histoire :

"Contursi n’eut besoin ni de princes ni de princesses, mais seulement de deux personnes très simples pour faire jaillir son inspiration, et il écrivit des paroles dépourvues de ressources mélodramatiques, subtiles et suggestives. Mais à notre avis, une clarification s'impose, les vers ne reproduisent pas l’histoire de manière linéaire, ni ne prétendent copier au plus près cette relation, l'histoire agit uniquement comme déclencheur du tango. Il n’y a donc pas de déception pour le physique de la femme, mais un dénouement plus spirituel, de douleur et d’impuissance, qui implique les deux amants, dans une rencontre devenue discorde, la fin de la passion et de la frustration qui produit toujours l’impossibilité de revenir en arrière.

C’est sans doute une vision beaucoup plus romantique et poétique, une constante de toute son œuvre, quelque chose de semblable à ce que nous suggère Alfredo Le Pera avec son inoubliable "Volvió una noche"."


Dépassant largement l'anecdote qui l'a inspiré, le poète chante dans la première strophe le thème classique d'une séparation amoureuse douloureuse et de la quête d'un retour, avec simplicité et délicatesse. Soulignons l'emploi de "acobardar", verbe à la signification subtile (littéralement rendre "cobarde", lâche, peureux), traduit ici par effrayé, et dans le dernier vers l'espoir d'un retour salvateur.

Me acobardó la soledad y el miedo enorme de morir lejos de ti... ¡Qué ganas tuve de llorar sintiendo junto a mí la burla de la realidad! Y el corazón me suplicó que te buscara y que le diera tu querer... Me lo pedía el corazón y entonces te busqué creyéndote mi salvación...

La solitude m'a effrayé La peur énorme de mourir si loin de toi … Et j'ai eu envie de pleurer Sentant tout contre moi L'ironie de la réalité ! Et puis mon cœur m'a supplié De te chercher pour lui donner ton amour … C'est mon cœur qui le demandait Alors je t'ai cherchée Croyant que tu me sauverais…

Il évoque ensuite, dans le refrain qui sera répété à la fin, de manière allusive et distanciée, la désastreuse rencontre entre les anciens amants.

Mais, si on ne connaissait pas l'histoire qui a inspiré cette chanson, comment pourrait-on interpréter les quatre premiers vers ? C'est d'ailleurs un exemple intéressant de la prudence qu'exige toute exégèse de poésie, quand il n'y a pas d'autre indication éclairante !

Ainsi, la subtilité et le caractère sibyllin de l'allusion à la rencontre auraient pu nous échapper, et " Le temps change tellement les choses" aurait pu être vu comme un truisme !

En revanche, les quatre vers suivants sont une belle formulation poétique de sentiments fréquents dans la douleur d'amour, compréhensibles sans clé de lecture.

Y ahora que estoy frente a ti parecemos, ya ves, dos extraños... Lección que por fin aprendí: ¡cómo cambian las cosas

los años! Angustia de saber muertas ya la ilusión y la fe... Perdón si me ves

lagrimear... ¡Los recuerdos me han hecho mal!

Aujourd'hui je suis devant toi On est là comme deux étrangers… Leçon que j'ai enfin apprise : Le temps change tellement les choses ! Angoisse de savoir disparues Mon espoir et ma foi… Pardon pour mes larmes qui coulent… Les souvenirs m'ont fait si mal !

Dans la dernière strophe, il n'y a pas de subtilités d'interprétation du texte. Mais on peut remarquer que le deuxième vers pourrait se comprendre comme l'indifférence de la femme aimée retrouvée, justifiant l'anéantissement du protagoniste. Ce n'est pas conforme à l'histoire évoquée : la femme derrière son comptoir conversait vraisemblablement avec ses clients, contenait son émotion en voyant son ancien amant…

Les "fantômes" peuvent être rapprochés du "spectre" dans Volvió una noche", tango de Alfredo Le Pera évoqué ci-dessus.

Palideció la luz del sol al escucharte fríamente conversar... Fue tan distinto nuestro amor y duele comprobar que todo, todo terminó. ¡Qué gran error volverte a ver para llevarme destrozado el corazón! Son mil fantasmas, al volver burlándose de mí, las horas de ese muerto ayer...

Et le soleil s'est estompé En t'écoutant froidement converser… Notre amour fut si différent Et ça fait mal de voir Que tout, tout, est terminé. Ah quelle erreur de te revoir Puisque mon cœur est maintenant anéanti ! C'est mille fantômes au retour Qui se moquent de moi, Les heures de ce défunt passé …

© Traduction de Léon Lévy Bencheton (respect du rythme dans la traduction des paroles du tango)












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