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Photo du rédacteurLéon LB

LeónLB chante Naranjo en flor

Dernière mise à jour : 26 janv. 2023


1944 Paroles Homero Expósito, musique Virgilio Expósito



En parallèle avec mes exégèses et traductions, j'interprète les paroles du tango, pour partager mon émotion devant leur poésie et leur force, indissociables de la puissance de la mélodie et du rythme. Cliquer sur le titre en bleu ci-dessus pour écouter.

Le texte ci-dessous est extrait/adapté de mon livre "Poésie de lune et tango", p. 387-390 (Cf. rubrique Livres), traduction par moi-même de l'original en espagnol "Poesía de luna y tango"



Selon Sergio Pujol (professeur d'Histoire contemporaine à Universidad de La Plata, spécialiste de la musique argentine), "Naranjo en flor" a marqué le début de l’avant-garde dans les paroles du tango, qui continuent jusqu’à présent de surprendre et d’être commentées : "on continue de commenter l’audace d’avoir commencé les paroles d’un tango avec une analogie aussi peu réaliste que celle-ci -"elle était douce comme l'eau, comme l'eau douce" - (NdT - notons que "blanda" signifie aussi "molle : choix de "douce" dans la traduction). Ce qui est remarquable dans ce cas, c’est qu’acceptation et perplexité ont cohabité, ce qui n’est pas toujours le cas des créations que l’histoire des arts a qualifiées d’avant-gardistes ou, plus largement, de modernistes."


Quelle que soit l’histoire qui l'aurait inspiré, "camouflée" derrière les vers, c’est un tango d’anthologie par ses paroles et par sa musique, qui chante l’évocation d’une jeune fille dont le souvenir est étroitement mêlé à un sentiment de culpabilité qui marque l'homme pour la vie.

Comme beaucoup de tangos, il est découpé en trois parties A, B, C; B est le refrain qui se répète après C.


Partie A - "Elle était douce comme l’eau... puis s'en alla…"

L'emploi de "douce" ("molle" ?) pour qualifier la fille, en la comparant à l’eau, est peut-être l'expression d'une sensation de douceur et de fraîcheur extrêmes, peut-être est-ce également une forme très poétique et allusive de parler de son jeune âge, culminant avec l’image de l'"oranger en fleur", qui concentre la beauté et la jeunesse.

Douceur aussi de la musique, qui accentue in crescendo "flor", avant de passer à un ton quelque peu dramatique pour évoquer la rue de l’histoire, sa chaleur lourde et son isolement ("ruelle perdue") ; et le drame est confirmé par l’une des expressions les plus énigmatiques de la chanson : "laissa un morceau de vie".


Era más blanda que el agua, que el agua blanda, era más fresca que el río, naranjo en flor. Y en esa calle de estío, calle perdida, dejó un pedazo de vida y se marchó...

Elle était douce comme l'eau,

Comme l'eau douce,

Plus fraîche que la rivière,

"Naranjo en flor".

Et dans cette ruelle d'été,

Ruelle perdue,

Laissa un morceau de vie

Puis s'en alla…


Partie B - "D’abord il faut savoir souffrir ... un oiseau sans lumière"

Le poète commence, dans les trois premiers vers, par une prise de distance 'philosophique" sur la vie, amère et même désespérée si l’on suppose que "marcher sans une pensée" est solitaire. Mais ces vers, peut-être les plus connus, restent un peu énigmatiques.

Il continue avec la nostalgie douloureuse du "arôme d’oranger en fleur" qui n'a pas pu se concrétiser dans un amour durable... Et à partir de "après", la musique s’intensifie et l'homme entre dans un cri de désespoir, étant prisonnier de son passé, de cette "éternelle et vieille jeunesse" qui l’a laissé "apeuré comme un oiseau sans lumière", superbe métaphore au demeurant.

L'oxymore "vieille jeunesse" est très poétique, bien que difficile à interpréter.


Primero hay que saber sufrir,

después amar, después partir

y al fin andar sin pensamiento...

Perfume de naranjo en flor,

promesas vanas de un amor

que se escaparon con el viento.

Después... ¿qué importa el después?

Toda mi vida es el ayer

que me detiene en el pasado,

eterna y vieja juventud

que me ha dejado acobardado

como un pájaro sin luz.

D'abord il faut savoir souffrir,

Ensuite aimer, ensuite partir,

Enfin marcher sans une pensée…

Arôme d'oranger en fleurs

Promesses vaines d'un amour

Qui sont parties avec le vent.

Après… Mais qu'importe l'après ?


Si toute ma vie est l'hier

Qui me retient dans le passé,

Éternelle et vieille jeunesse

Qui m'a laissé si apeuré,

Comme un oiseau sans lumière.



Partie C - "Qu'ont pu lui faire mes mains... naranjo en flor"

Alors que dans la partie A il parle de la jeune fille, et que seule la rue symbolise implicitement la présence du protagoniste, ici ce dernier parle de lui et de sa culpabilité, avec le paradoxe de ses propres mains qui lui ont laissé la douleur à la poitrine, ce qui semble avant tout une expression du second degré, très allusive et énigmatique. Et ce qui suit reste très mystérieux : si la "vieille forêt" peut être une indication du lieu du drame, comment interpréter "chanson de rue" ?


¿Qué le habrán hecho mis manos? ¿Qué le habrán hecho para dejarme en el pecho tanto dolor? Dolor de vieja arboleda, canción de esquina con un pedazo de vida, naranjo en flor.

Qu'ont pu lui faire mes mains ?

Qu'ont-elles pu faire

Pour me laisser dans le cœur

Une telle douleur ?

Douleur de vieille forêt

Chanson de rue,

Avec un morceau de vie

Naranjo en flor.




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