top of page
Photo du rédacteurLéon LB

TANGO - Sources et affluents

Cet article est un extrait, résumé et adapté, du chapitre homonyme du livre "Poésie de lune et tango" (Cf. rubrique Livres).

L'objectif est d'approcher, sans prétention académique mais avec 20 illustrations musicales de référence, la genèse du rythme du tango, surgi au Río de la Plata (particulièrement Buenos Aires et Montevideo) à la charnière entre les siècles XIX et XX.


Comme beaucoup de musiques populaires, le tango est la résultante de multiples influences de diverses origines, et spécifiquement une synthèse prodigieuse, amplifiée et accélérée par l’afflux massif d’immigrants, réalisée en peu de temps, car que sont quelques décennies pour l’émergence d’un art qui a ensuite atteint un haut niveau de complexité et de richesse ?


Sont exposées quelques lignes de force, essentiellement au niveau du rythme, nécessairement simplifiées, parce que les influences ont été multiples, avec des allers et retours entre pays et continents, au cours des siècles.

Car c’est d’abord le rythme qui caractérise le tango comme danse, qui structure les mélodies et les arrangements des orchestres, qui constitue la base du chant et de son phrasé si caractéristique, quelles que soient les sources d’inspiration des mélodies et des paroles : le rythme est le fondement, marqué dans les premières années par les guitares, ensuite par le bandonéon, le piano et la contrebasse, instruments qui ont permis la force et la plénitude des arrangements des "orchestres typiques", où ces bases rythmiques ont engendré les variations brillantes de tous les instruments, et des chanteurs.

Mais d’où vient ce rythme de tango si spécifique et si fécond ?


Le schéma suivant présente un résumé graphique simplifié des influences (sans intention chronologique) où l'épaisseur des flèches indique l'importance d'une influence, les lignes pointillées indiquent un sujet à controverse.



Commentons ce schéma et illustrons-le par des exemples, sorte de remontée de la rivière Tango !


CONTREDANSE

Citons l'article homonyme de Wikipedia :

"La contredanse est la version espagnole ou hispano-américaine de la contredanse française, qui fut un style international populaire de musique et de danse au XVIIIe siècle, dérivé de la Country Dance anglaise et adopté à la cour de France. La contredanse a été portée en Amérique et en Équateur.

À Cuba, elle est devenue un important genre au cours du XIXe siècle, et a été la première musique écrite basée sur des rythmes subsahariens, ainsi que la première danse cubaine qui a acquis une renommée internationale. La contredanse est le prédécesseur de la "danza", le "danzón", le "mambo" et le "chachacha", ainsi que de la chanson ‘'habanera".

Et il ajoute un commentaire intéressant sur son origine :

"Selon le musicologue Peter Manuel, il est peut-être impossible de résoudre l’énigme de l’origine de celle-ci, comme l’a noté de façon humoristique le musicologue cubain Natalio Galá en appelant ce genre : " anglofrancohispanoafrocubano"".


Deux illustrations :

- Un exemple de danse et musique en Espagne : "La contradanza congreso nacional de folklore IDAF San Juan 2014" (https://youtu.be/e2BjGPCG-3M)

- Un exemple impressionnant du grand Mozart en 1788 : "Contredanse in C major K 609 N° 1" (https://youtu.be/rU18HMGPQts)



TANGOS FLAMENCOS


"Tangos" est un des "palos" du Flamenco, c'est-à-dire un des modèles rythmiques codifiés du genre. Pourquoi le même nom que le tango du Rio de la Plata ? Qui précéda dans le nom, ou plutôt quelles furent les influences mutuelles ?

Questions difficiles, mais on peut suggérer d'écouter par exemple Estrella Morente, la grande chanteuse espagnole (fille de Enrique Morente, figure emblématique du chant flamenco), où l'on peut percevoir une lointaine similitude rythmique avec la Habanera (https://youtu.be/qWz5vNw0v9U).



HABANERA


Citons l'article homonyme Wikipedia :


"La habanera est un genre musical originaire de Cuba dans la première moitié du XIXe siècle - la première habanera documentée est "L’amour dans la danse", ….. à un tempo lent - 60 pulsations par minute - avec un rythme binaire : une danse à temps lent, chantée, à un rythme très précis formé d’une part de croche pointée-double croche, ou double croche-croche- double croche, et d’autre part de deux croches."


D’autres sources considèrent "La paloma", composée vers 1860 par l’espagnol Sebastián Iradier, comme l’œuvre de référence du genre, qui a eu en outre un nombre impressionnant d’interprétations et d’arrangements à ce jour (comme chanson, au-delà de son modèle de habanera, peu connu en soi), dans le monde entier et dans plusieurs langues.

Il est intéressant d’écouter l’interprétation de Libertad Lamarque, qui d’ailleurs était une grande chanteuse de tango (https://youtu.be/jebIpYs2UUI).

Mais la habanera peut-être la plus connue comme telle est l’aria "L’amour est un Oiseau rebelle" de l’opéra "Carmen" du Français Georges Bizet (1863) : on peut écouter l’interprétation de Julia Migenes (https://youtu.be/gkWxnm-UBl4).


Des musiciens espagnols ont également écrit des habaneras, notamment Isaac Albeniz en 1890, qui l’a intitulée "Tango" ! (https://youtu.be/GNUpWAQuuVA)


CANDOMBE


Citons l’article homonyme de Wikipedia:


"Le candombe est une manifestation culturelle d’origine afro-uruguayenne. Il a un rôle significatif dans la culture de l’Uruguay au cours des deux cents dernières années, étant reconnu par l’UNESCO comme Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité. Il s’agit d’une manifestation culturelle née de l’arrivée d’esclaves d’Afrique, constituant une fusion des traits musicaux, religieux et de danse des diverses tribus africaines présentes dans le Río de la Plata à l’époque de la colonisation."


On peut écouter trois œuvres qui illustrent cela :

- "Caminando", dirigé par le musicien uruguayen Hugo Fattoruso (https://youtu.be/29iiFGs2nj8)

- "Candombe del olvido" par le chanteur uruguayen Alfredo Zitarrosa (https://youtu.be/bxjLgz31v3Q)

- Candombes de l'uruguayen Francisco Canaro (https://youtu.be/PtDbUx0KzRY)



MILONGA CAMPERA


Elle est indissociable de l'art des "Payadores", sorte de bardes des campagnes sud-américaines. Citons la définition de la "payada" de l’article homonyme Wikipedia :

"La payada (en Argentine, en Uruguay et au Paraguay) ou Paya (au Chili) est un art poétique musical appartenant à la culture hispanique, qui a acquis un grand développement dans le Cône Sud de l’Amérique, où une personne, le "payador", improvise un récitatif en rime accompagné d’une guitare."

En ce qui concerne le rythme d’accompagnement à la guitare, à l’origine on jouait en "cifra" ou d’autres rythmes et, à partir de Gabino Ezeiza, considéré comme l’un des plus grands payadores de l’histoire du genre, on accompagne en rythme de milonga campera (le 3-3-2, rythme syncopé : dans une mesure à 4 temps divisée en 8 croches, les temps forts sont 1, 4 et 5).


Ce rythme a une parenté très forte avec celui de la Habanera : on peut l’entendre dans la milonga bien connue "Los ejes de mi carreta" d’Atahualpa Yupanqui, et dans un grand nombre des œuvres d’Astor Piazzolla, particulièrement dans "Libertango".

Il n’est pas inutile d’ajouter, pour terminer cette petite présentation, que Carlos Gardel chantait des payadas à son époque de duo avec José Razzano, avant de devenir le légendaire et emblématique chanteur de tango.


Les trois morceaux suivants illustrent ce thème.


- El lunar de mi tropilla - Alberto Merlo (https://youtu.be/4tKshX3XYhw)

- Los ejes de mi carreta - Atahualpa Yupanqui (https://youtu.be/w9g9jvZ4yJ0)

- Milonga triste - Alfredo Zitarroza (https://youtu.be/1dpZqA6kWU4)



MILONGA URBAINE


Vers 1900, on chantait et on dansait en rythme de milonga, même si l’on utilisait déjà le mot "tango". Puis l’évolution du tango avec ses orchestres et ses chanteurs a laissé au second plan, ou plutôt sous-jacents, la milonga et son rythme.

Ce fut le mérite, en 1931, du musicien Juan Carlos Cobián de renouer avec la milonga dans une œuvre, sur des paroles de Homero Manzi, "Milonga sentimental", qui a été la première d’une série.

Elle a été enregistrée pour la première fois en 1931 par Carlos Gardel avec des guitares (https://youtu.be/27HlY0umlmA).

En 1933, les mêmes ont écrit "Milonga del 900", qu'a également enregistrée Gardel (https://youtu.be/hv5zI1mM6AY).

Il est intéressant d’entendre aussi une interprétation de "Milonga del 900" avec orchestre : Francisco Canaro, chanteur Ernesto Famá (https://youtu.be/dMpElD0HUeI).


TANGO


Évolution du rythme 3-3-2 de la milonga campera vers les temps forts habituels d’une mesure à 4 temps : en termes très simplifiés, on peut dire que le tango est une musique de mesure binaire, avec des temps forts bien marqués, avec des variations en rythme syncopé 3-3-2.


Un exemple remarquable est le premier tango-chanson, "Mi noche triste".

Le premier enregistrement par Carlos Gardel en 1917 a un rythme marqué par celui de la milonga (https://youtu.be/lRnQ6Ha9yMA).

En revanche, le même Gardel l’enregistra en 1933, avec un rythme nettement tango, surtout dans l’accompagnement des guitares, mais le phrasé de Gardel lui superpose un peu du syncopé de la milonga (https://youtu.be/bnWgrNHgciw).

Une autre illustration de la continuité milonga - tango, avec le célèbre et emblématique "El Choclo" :

- Libertad Lamarque l'a chanté en rythme de milonga (https://youtu.be/-RQRuEMPBK0)

- En revanche, Charlo, par exemple, l'a enregistré en rythme de tango (https://youtu.be/sMOf4aDiIOg)


Terminons ce petit parcours avec un cas beaucoup plus récent (1980), presque didactique, "La voz de Buenos Aires" de Eladia Blázquez, qui est en rythme de milonga campera, à l'exception d'un couplet en tango (https://youtu.be/HKogiQnaWw).

74 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page