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Photo du rédacteurLéon LB

TRADUIRE "MALENA" EN RESPECTANT LE RYTHME

Dernière mise à jour : 20 oct.

Exemple représentatif du livre " Poésie de lune et tango " : MALENA


Cet article est destiné aux francophones ayant une bonne connaissance de l'espagnol, intéressés par les paroles du tango et leur traduction en français.


Il a pour objet de répondre de façon précise, illustrée et documentée, ici dans l'exemple emblématique de MALENA, à des questions que l'on me pose assez souvent sur les caractéristiques de mes traductions, en elles-mêmes et par rapport à d'autres traductions connues.


Mes traductions en français sont réalisées avec une exigence de respect du rythme (qui influence parfois légèrement certaines options de traduction/ adaptation), ce qui permet de les réciter, et même de les chanter dans cette langue, en suivant la musique.

Elles s'appuient sur des enregistrements de grand(e)s interprètes historiques, donc un peu influencées par leurs "fraseos".


Sont soulignées les principales syllabes correspondant aux temps forts de la musique, pour faciliter leur interprétation par des chanteurs (précisons toutefois que ces indications sont une aide pour des chanteurs et chanteuses assez entraînés, de préférence dans le chant du tango).

Je présente ci-après deux extraits de Malena, de mon livre (identifié dans la suite par LLB) Poésie de lune et tango (Cf. la rubrique Livres du site).


Pour chaque extrait sont indiqués :

- Le texte original en espagnol,

- Ma traduction littérale, qui vise à donner le sens de l'original, sans aucun choix de style, de rythme, de rime, etc.

- Ma traduction dans le livre (texte et n° de page), assortie d'explications de certaines options, cotée "LLB" : pour celles et ceux qui ne connaissent pas suffisamment ces extraits, nous conseillons d'écouter en parallèle avec cette lecture une interprétation, par exemple celle de Adriana Varela https://youtu.be/MduzdoTOBSM.

- Des citations d'autres traductions (référence, page, texte), parmi les plus connues en France :

o FH - Une anthologie bilingue du tango argentin - Fabrice Hatem - La Salida hors série N° 3 - Date ?

o HD&SY - Les poètes du tango - Henri Deluy & Saül Yurkievich - Gallimard - 2006

o DC - Barrio de Tango - Recueil bilingue de tangos argentins - Denise Anne Clavilier - Éd. du Jasmin – Nov. 2007

o AE - Alberto Epstein - La Salida : quelques numéros depuis octobre 2021



Nota Bene : La plupart de ces autres traductions sont très antérieures à mes travaux en la matière - qui ont commencé vers 2015 - et ne semblent pas viser particulièrement le respect du rythme.

J’ai eu pour ma part cet objectif dès le début, facilité par mon total bilinguisme, l’espagnol étant ma langue maternelle, appuyé sur l’étude du rythme et du chant du tango avec le maestro argentin Alfonso Pacín.



EXTRAIT 1


Tal vez allá en la infancia

su voz de alondra

tomó ese tono oscuro de callejón,

o acaso aquel romance

que sólo nombra

cuando se pone triste con el alcohol.


Ø Traduction littérale


Peut-être là-bas dans l'enfance

Sa voix d'alouette

Prit ce ton sombre de ruelle,

Ou peut-être cette amourette

Qu'elle nomme seulement

Quand elle devient triste avec l'alcool.



Ø LLB p 365


Qui sait dans son enfance

sa voix d’alouette

S’imprégna du ton sombre de la ruelle,

Ou bien ce vieil amour

qu'elle nomme à peine

Derrière la tristesse que donne l'alcool.


- 1er vers : respect du rythme, sens équivalent, même si la notion de "là-bas" n'est pas explicite

- "s'imprégna" facilite le respect du rythme en introduisant une nuance plus explicite que dans "prit" ("tomó")

- "Nomme à peine" parce que "seulement" est assez lourd, comparé au "sólo" de l'original

- Dernier vers : "derrière la tristesse" permet le respect du rythme tout en introduisant la nuance d'un amour caché


Ø Autres traductions


- FH p 149


"C'est peut-être dans son enfance

Que sa voix d'hirondelle

A pris cette couleur obscure de ruelle,

Ou bien en chantant cette romance

Qu'elle ne dit

Que quand vient la tristesse avec l'alcool."


- HD&SY p 168


"Dans son enfance, peut-être,

Sa voix d'alouette a pris ce ton obscur d'impasse,

Ou peut-être cette romance dont elle se souvient

quand elle est triste dans l'alcool."


- DC p 42


"Ça se trouve, là-bas, enfant, sa voix d'alouette

A pris ce timbre sombre du ruisseau.

Ou alors cette idylle dont elle ne parle

Que lorsque la bouteille la rend triste."


- AE La Salida n° 126, avril-mai 2022, p 41


"Peut-être qu'étant môme

Sa voix d'alouette

a pris ce ton obscur, comme les bas-fonds,

Ou alors ce fut un amour

qu'elle seule nomme

lorsqu'elle devient amère avec l'alcool."


-


EXTRAIT 2


Tus tangos son criaturas abandonadas

que cruzan sobre el barro del callejón,

cuando todas las puertas

están cerradas

y ladran los fantasmas de la canción.


Ø Traduction littérale


Tes tangos sont des enfants abandonnés

Qui traversent la boue de la ruelle,

Quand toutes les portes sont fermées

Et que hurlent les fantômes de la chanson."


"Criatura" peut être un faux-ami : ici c'est le sens populaire de "enfants" .

"Ladrar" signifie aboyer en espagnol, mais en Argentine il a également le sens de crier, hurler (utilisé également dans Yira Yira).


Ø LLB p 365


Tes tangos sont des mes abandonnés

Qui traversent la boue de la ruelle

Après que toutes les portes

se sont fermées

Et lent les fanmes de la chanson.

- "après que toutes les portes se sont fermées" : rythme et idée de fermeture définitive.

- Choix de "râlent" pour rendre une idée de souffrance dans ce passé mort


Ø Autres traductions


- FH p 149


"Tes tangos sont des créatures abandonnées

Qui rôdent dans la boue des ruelles

Quand toutes les portes sont fermées

Et que hurlent les fantômes de la chanson"


- HD&SY p 168


"Tes tangos sont des créatures abandonnées

Qui traversent la boue des ruelles

Quand toutes les portes sont fermées

Et qu'aboient les phantasmes de la chanson."



- DC p 42


"Tes tangos sont une marmaille abandonnée

Qui va et vient dans la bourbe du ruisseau,

Quand toutes les portes sont fermées

Et que braillent les fantômes de la chanson."



- AE La Salida n° 126, avril-mai 2022, p 41


"Tes tangos sont des gamins abandonnés

Qui poussent dans la boue de la ruelle

Lorsque toutes les portes seront fermées

Et que gueulent les fantômes d'une chanson"

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